Le tour de Pormenaz avec un réflex

Ca y est, j'étrenne mon Nikon tout beau tout neuf !

Cela faisait un bon moment que j'hésitais à m'offrir un appareil plus performant. J'ai longtemps rejeté l'idée d'investir dans un réflex au motif que pour ce type d'appareil les longues focales sont très lourdes, très encombrantes, nécessitent l'usage d'un gros trépied, et elles sont chères. Aussi mon choix s'orientait plutôt vers les hybrides de Panasonic (GH3 ou GH4) et Olympus (OM-D E-M1), plus abordables et plus adaptés à la randonnée.

Mais un article du dernier Image et Nature m'a ouvert les yeux: On peut trouver des optiques à la fois pas trop onéreuses, pas trop énormes, et assez lumineuses. Il suffit de tenir compte du fait que sur un boitier équipé d'un capteur au format APS-C, la longueur focale "réelle" est multipliée par 1,5 (pour un Nikon). Ainsi, un 400 mm devient un 600 mm.

J'ai donc étudié la question et j'ai trouvé 3 boitiers intéressants: Nikon D7000 et D7100, et Pentax K3, et 2 objectifs aux focales qui me font baver: Sigma 50-500 m, f/4.5-6.3 et Sigma 150-500, f5-6.3. Une focale de 750 mm à bout de zoom !! Problème: l'ouverture maximale en bout de zoom n'est que de f/6.3. Ce qui annule une bonne partie du bénéfice tiré de la bonne montée en sensibilité du capteur. Un Panasonic ou un Olympus équipé d'un objectif Panasonic 100-300 mm (au format "micro 4/3" donc équivalent à un 200-600 mm) avec une ouverture allant de f/4 à f/5.6 serait plus performant en basse lumière (important pour les photos prises à l'aube ou au crépuscule). A ce moment de ma réflexion: avantage très net à Olympus et Panasonic. Mais un conseiller de Digit Photo que j'ai harcelé de questions m'écrit que les capteurs des réflexes étant beaucoup plus grands que ceux des hybrides, les images sont bien mieux définies, plus piquées. A cet instant, il faut être lucide: je suis passé à deux doigts de la camisole et de l'internement chez les maboules !! Je replonge donc sur internet à la recherche de la perle rare: un zoom dont la focale maxi serait comprise entre 400 et 500 mm, avec une ouverture à f/5.6 en bout de zoom, et pas trop cher. Et je l'ai trouvé: c'est le Sigma 120-400 mm f/4.5-5.6. Mais le site de Sigma indique que "Nikon and Canon mounts are discontinued." De fait il est introuvable sur le site de Digit Photo !!

C'est dans ces moments là que l'on reconnait les grands champions: dans l'adversité, quand le vent se lève et fait tourbilloner la neige, il faut savoir garder la tête froide, rester serein, montrer un calme olympien. Sinon les idées s'embrouillent et c'est la catastrophe (ça peut même conduire à perdre 7-1 !). J'ai pratiqué un petit exercice de respiration des grands maîtres yogi  et poussé un cri primal qui aurait fait s'évanouir les All Blacks. Ensuite, je suis retourné sur internet ! Et j'ai trouvé ! Chez Photo Univers: c'est sans doute un petit miracle car il semble qu'aujourd'hui, ils ne l'ont plus !

Voici un petit comparatif entre mon vieux bridge FZ200 et mon nouveau réflex D7100:

  Panasonic FZ200 Nikon D7100 + Sigma 120-400
Poids 700 g 2,5 kg
Zoom 25-600 mm 180-600 mm
Ouverture Constante f/2.8 f/4.5 - 5.6
Capteur dimensions 4,62 x 6,16 mm 15,8 x 23,6 mm
Capteur surface 28,46 mm² 372,88 mm²
Mpixels  12  24
Taille d'image 4000 x 3000 pix 6000 x 4000
ISO "max" 800 6400

Clairement, le GROS inconvénient de ce réflex, c'est le poids et l'encombrement: je vais transpirer un peu plus pour le porter sur 1700 m de D+, et j'ai dû acheter un harnais pour pouvoir le porter "sur le corps" à peu près confortablement, prêt à dégainer.
Je me suis fabriqué un petit "sac de haricots" très léger (en français dans le texte, normalement on appelle ça un "bean bag") pour photographier au sol en position couchée, mais il est très utilisable à main levée, à condition d'avoir les coudes bien calés.

Concernant l'ouverture, avec le FZ200, je n'utilisais la pleine ouverture f/2.8 que lorsque j'y étais vraiment contraint par le manque de lumière, car la profondeur de champ est alors trop réduite. F/5.6 à 600 mm ce sera bien.

A propos du capteur: deux fois plus de pixels répartis sur une surface 13 fois plus grande !! C'est un autre monde.

Les images produites sont deux fois plus grandes. Ce qui donne beaucoup plus de liberté pour recadrer (et pour recadrer serré !).

Dimanche dernier je suis parti avec les deux appareils photo car je n'avais pas encore commandé le système de portage pour le gros réflex que j'ai donc rangé dans le sac à dos. Objectif: la zone humide du versant sud de Pormenaz, près de l'ancienne bergerie en ruine, où j'ai repéré chamois et renard la semaine dernière. Réveil à 1h15, départ du parking à 2h35, passage à proximité du refuge d'Anterne à 4h00, et arrivée sur place à 5h30 après une bataille héroïque dans les vernes parce que j'ai voulu passer au plus court.

Je m'installe près d'un rocher, au bord d'un ruisseau dont le glouglou couvrira un peu le bruit du déclencheur. Les chamois ne sont pas loin, j'ai vu leurs yeux briller dans la lumière de ma frontale près de l'arête qui domine le Campoz. Il s'en trouvera bien deux ou trois pour venir brouter par ici ! Hé bien non ! Pas un seul ! Ou bien peut-être sont-ils venus pendant que je dormais ! C'est le gros inconvénient des départs en pleine nuit et des affûts au bord d'un ruisseau: je manque de sommeil, le glouglou me berce, et le dossier de mon gros sac à dos est très confortable !! J'ai tout de même fait quelques photos du lever de soleil sur le Mt Blanc, avec mon vieux FZ200, car le Nikon était pointé à l'opposé, et avec le filet de camouflage, je ne pouvais pas le faire pivoter !!

En début d'après-midi, je change de coin: je range le matériel pour rejoindre l'arête sud. C'est à ce moment que deux gros oiseaux passent au dessus de moi: ils volent en direction de l'arête du Campoz où se trouvent certainement les chamois. Le second passe 15 à 20 secondes après le premier, il passe aussi plus bas. Soit c'est un gypaète qui pourchasse un aigle, ou vice-versa (mais je n'y crois pas trop), soit c'est un couple d'aigles en chasse: j'ai lu sur le site de l'Inventaire National du patrimoine Naturel: "Il arrive que le couple chasse de concert, le premier oiseau pouvant ainsi disperser les groupes familiaux d’ongulés et le second, suivant à une centaine de mètres, se concentrant alors sur un jeune isolé." Mais ils passent trop vite et trop loin, je n'ai pas le temps de saisir un appareil.

Au pied de l'arête sud, un peu penaud, je me venge sur les papillons (de gros machaons) qui volettent un peu partout. Le Nikon crépite en mode rafale. Les photos sont belles, mais je patauge un peu dans les réglages, je suis en rodage. Progressivement, la luminosité diminue et je m'inquiète de l'évolution du temps: des averses orageuses sont possibles en fin d'après midi. A l'ouest une barre de gros nuages se rapproche doucement. Il est temps de ranger les affaires et de remonter cette arête sud que je commence à bien connaître. J'éprouve un peu de peine à grimper, cette sieste matinale dans l'herbe ne m'a fait aucun bien !! Malgré tout j'arrive péniblement au collu 2289 et je m'engage dans la descente. Vers 2100 m (à 15h45) j'essuie une averse de petite grêle bien dense, qui m'oblige à sortir la cape de pluie. Au bout de 5 minutes, le soleil revient. Mais à l'ouest, les nuages s'assombrissent à toute allure. Je pensais rentrer par le sentier des Argentières mais il fait un détour. Je change donc d'avis et décide de foncer au plus court, par la Chorde, malgré la présence d'échelles et de chaînes métalliques. J'entends gronder du côté de St Gervais. Je presse le pas. Un cri perçant fait écho au tonnerre, juste au-dessus de ma tête. Je revois les images du petit Marcel et de son ami Lili, perdus dans la garrigue et qui s'abritent de l'orage dans une grotte habitée par le grand duc (dans La Gloire de mon Père ou Le Château de ma Mère, je ne sais plus). Je lève les yeux et découvre un grand rapace gris perché au sommet d'un sapin. J'ai le temps de prendre quelques clichés (avec le petit FZ200 accessible car rangé dans la pochette en bandoullière) et il s'envole, aussitôt suivi d'un deuxième oiseau. C'était un couple de circaètes Jean le Blanc. Ils ont plongé en direction de la forêt juste en-dessous. Trente secondes après, il pleut à verse. Je ressors le poncho. L'un des circaètes revient décrire une boucle dans la gorge des Argentières. Je le regarde filer sous la pluie. Encore un moment de grâce ! Un éclair qui claque pas loin me ramène sur terre. J'ai des échelles au-dessus et en-dessous de moi: il faut se remuer. Il est 16h30, je suis à 1780 m. Une poignée de  minutes pour franchir le dernier passage métallique, et à 17h00 je suis aux chalets du Souay, la pluie a cessé.

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