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La Grande Traversée du Guillestrois Queyras

Je vous avais mis l'eau à la bouche la semaine dernière avec l'annonce de mon départ pour l'aventure dans un ultra trail de 100 km dans le massif du Queyras.

Hé bien maintenant en voici le compte-rendu. Les paragraphes en italiques sont les propos de Véronique, sans aucune "correction" de ma part.

Premier coup de stress: ça se passe à l'appartement à Passy, avant le départ: surtout ne rien oublier. Nous sommes vendredi 7 juillet.
Chacun sa tactique: Véronique rédige une liste longue comme le bras, et barre chaque élément à mesure qu'elle remplit son sac.
De mon côté, je fais tout "de tête" et je passe en revue ma check-liste pendant que je refais le plein de la voiture au supermarché du coin.
J'ai conscience que la nourriture "de course" que j'emmène n'est pas très variée (des Cliff bars à 80 %) mais j'espère pouvoir en acheter d'autres sur le lieu de la remise des dossards où en général quelques marques de trail tiennent un stand. Hé bien que nenni. Ce trail du Guillestrois Queyras n'en est qu'à sa deuxième édition et c'est un trail "campagnard / montagnard": je ressors du gymnase de Guillestre avec mon dossard, un t-shirt et mon sac de délestage, et rien d'autre.

Sur le trajet, Véronique n'a pas eu le choix: elle a été bien obligée de se familiariser (enfin) avec la boîte automatique de ma "nouvelle" voiture (nouvelle depuis 1 an et 3 mois)

À l'hôtel à Aiguilles (à 5 km d'Abriès où sera donné le départ): repos, pieds au mur et somnolence. Dîner et dodo. Je dors pas trop mal mais la nuit est courte: réveil à 4h00, petit déjeûner et habillage pour quitter l'hôtel à 5h15.

Samedi 8 juillet, 5h50: à Abriès (1540 m) la température est fraîche, le village est encore bien à l'ombre. Le speaker a l'accent du sud. 254 coureurs sont présents derrière la ligne de départ. Ambiance petite course de village. J'utilise les 10 dernières minutes pour pratiquer les petits exercices d'échauffement / étirement que m'a montrés mon kiné. C'est vraiment très très léger comme échauffement, mais ça me permet surtout de vérifier l'absence de toute gêne musculaire et de détendre un tout petit peu les fibres, parler d'assouplissement serait très exagéré !

Sur la ligne le speaker fait son job mais sans en faire des tonnes, (au contraire du Ludo Collet l'an dernier à Verbier), ici à Abriès pas besoin de refaire la présentation en anglais ! Je me positionne plutôt à l'arrière du peloton, peut-être aux alentours de la 180 - 200ème place. Le départ est donné. Je trottine trois foulées, pas plus. Départ en marchant. Passage devant Véronique, petit coucou avec la main. Pas d'inquiétude, je sais que je vais la revoir dans "peu de temps" (= 2h / 2h30) à Ristolas au 12ème kilomètre. Dès la sortie du village le peloton s'étire en file indienne sur un sentier monotrace où il sera impossible de doubler. Heureusement que nous ne sommes que 254 ! La première montée est entrecoupée de sections plates ou en faux-plat montant, ce qui occasionne quelques changements de ryhtme, on trottine un petit peu et déjà quelques concurrents partis en sur-régime se font doubler. Je garde un œil attentif sur ma fréquence cardiaque que je dois impérativement conserver sous les 142 pulsations (145 grand maximum).

 

Le mot de Véronique:

Une fois le départ donné, je vais voir le speaker et lui demande s'il connait le nombre de participants. Il me répond qu'il y a 310 coureurs. Un vieux monsieur, qui porte un béret, rétorque alors « non, 311 ! ». La réaction du speaker : « ah oui, je l'avais oublié celui-là, il ne devait pas venir et en fait il est venu ».

 

Je souris en me disant qu'on est bien dans le sud !!!

 

Après 45 minutes (km 3,700): virage à gauche pour attaquer la piste de ski (suite à une modification du parcours dont nous avions été prévenus, à cause d'un chantier sur une remontée mécanique). La pente se redresse assez franchement mais sans atteindre une déclivité extraordianire: 19 % d'après Strava, ça correspond totalement à mes sentiers d'entrainement. Mais devant moi quelques concurrents lèvent un peu le pied et je double, ce qui fait aussitôt bondir le cardio à 148. Je m'en apperçois tout de suite et reprends une allure plus mesurée. En général les pistes de ski ne sont pas très agréables pour les traileurs mais celle-ci est très chouette: bien enherbée, parsemée de jeunes mélèzes d'1 m de haut. J'ai bien aimé ce passage. Mais c'est encore mieux un peu plus loin:

1 heure de course, km 5: nous débouchons sur une épaule près du point 2219 m, il est 7h00, soleil rasant, nous traversons une belle clairière en herbe, entourée de mélèzes, j'adore cette ambiance.

Petit faux plat descendant pour aller récupérer le GR58 près du Clot de Besseys. 1h20 de course, il faut manger: deux bouchées d'un Cliff aux pépites de chocolat, que j'ai remis dans une poche ... où il est resté pendant TOUTE LA COURSE, je n'y ai plus touché, il est encore à cette heure sur la table de la cuisine. Le sentier monte à nouveau pour finir l'ascension au Collette de Gilly (2366 m), où je passe en 1h34, km 7,800. Je ne m'arrête pas: je connais bien cet endroit, j'y suis passé plusieurs fois pendant les vacances des étés précédents.

J'enchaîne directement sur la descente. Petite pause pour vidanger la vessie, je perds quelques places, j'observe un regroupement qui se forme devant moi, plusieurs lacets en dessous. Ce groupe n'est pas très loin à vol d'oiseau mais le sentier serpente en lacets si bien que ce groupe a peut-être bien 300 m d'avance. Peu importe, je suis seul et je descends à l'allure qui me convient, surtout sans forcer. Depuis le départ, les jambes vont "pas si mal", mais je n'ai pas la sensation de voler que j'ai pu connaître sur les premiers kilomètres à Serre Chevalier ou même à Verbier. Je sens bien sur le haut et l'intérieur des cuisses une petite gêne, comme un engourdissement ou une raideur. Johann mon kiné m'avait dit de "masser" cette zone tout en marchant et je le ferai un peu parfois. Bref cette sensation de lourdeur bride mon allure, ce qui est une bonne chose concernant la gestion de l'allure, mais psychologiquement, cela génère tout de même une petite inquiétude et une légère frustration de ne pas pouvoir exprimer mon plein potentiel ... frustration qu'il faut savoir accepter car sur ce type d'effort le "plein potentiel" consiste à durer longtemps, très longtemps.
Avant le départ, j'ai fait part à Véronique de cette petite crainte: cette fois il est possible que physiquement je sois contraint d'abandonner, sur blessure, ce qui m'attristerait profondément car je suis parti avec une motivation et une volonté farouche d'arriver au bout, pour moi certes, mais aussi surtout pour Véronique qui avait raté mon arrivée à Verbier (à 2h du matin) l'an dernier et qui en avait pleuré. Donc le mot d'ordre en ce début de course: surtout ne pas faire une "Jean Alési": "à fond à fond à fond ... et ... gravier !". Comme me l'a dit mon collègue: "Freine Mimosa, freine !" (référence au film Une époque formidable avec Bohringer, Ticky Holgado, Gérard Jugnot, Chick Ortega: Mimosa dans le film).

Je gère ma descente et petit à petit je reviens sur les derniers du groupe, qui ralentissent un peu sur les 100 derniers mètres un peu techniques, juste avant de prendre pied sur le goudron pour entrer dans le village de Ristolas. Certains trottinent. Je marche, tout en finissant mes flasques pour bien m'hydrater.

Ristolas: Arrivée en 2h13. Je cherche Véronique du regard. Elle se trouve à la sortie du ravito, ... déguisée en abeille ! Il n'y en a qu'une comme elle, c'est MOI qui l'ai eue, et je n'en suis pas peu fier !

Bon, je ne suis pas au spectacle, il faut que je me ravitaille: une banane, quatre Tucs, un morceau de pâte d'amande, un verre de St Yorre et sans doute d'autres choses dont je ne me souviens plus. J'échange mes deux flasques vides contre deux pleines. Et je repars avec le ventre bien plein. 2h30. Donc 17 minutes d'arrêt, c'est un peu trop et j'ai sans doute perdu beaucoup de places au classement mais ce n'est pas grave, nous n'en sommes encore qu'à l'échauffement (et astuce: ça va me permettre de doubler à nouveau des concurrents moins forts que moi et ainsi de me gonfler artificiellement le moral).

Le mot de Véronique:

Un assistant de coureur prépare son ravito. Une bénévole ouvre alors la fenêtre de sa chambre d'hôtel (on est juste à côté de l'auberge) et lui dit que le ravitaillement ouvre à 7H30... air dubitatif du gars... la bénévole lui demande alors à quelle heure devrait arriver son coureur... à 7H30 à priori. Du coup, les bénévoles viennent installer le stand un peu plus tôt que prévu, et heureusement, parce que le premier coureur arrive à 7H21.

 

J'ose ou pas... ben oui, je sors mon chapeau/abeille et ma fleur en tissu. J'avais prévu un tee-shirt jaune mais il fait froid et je garde la polaire.

 

J'ai laissé Endy dans la voiture et le soleil se lève. Alors, quand je vois qu'une place à l'ombre s'est libérée, je vais vite changer la voiture de place. Evidemment, c'est à ce moment là que Cyril arrive...

Après Ristolas: 3,600 km de faux plat, très irrégulier jusqu'à l'Échalp: en fait c'est une succession de petites bosses et de portions plates voire un peu descendantes. Donc la gestion de l'allure est très simple, c'est une alternance de marche et de trottinage. 3,600 km et 100 m D+ en un peu moins de 30 minutes.

La première ascension était un amuse-bouche, un hors d'œuvre léger. Maintenant on attaque la montée au Col Vieux: 8 km d'ascension pour 1100 D+ , en passant par deux replats le long des lacs Égorgéou et Foréant. Je connais un peu cette grimpette jusqu'au premier lac car j'y étais allé il y a un an ou deux et je m'en souviens plutôt bien. Pendant toute la montée, je rattrape et double des petits groupes, je grapille quelques places et c'est bon pour le moral. Le cardio est globalement élevé (entre 134 et 152, même très ponctuellement 155) alors que j'ai clairement l'impression de ne pas forcer, le rythme est le même que pendant la première côte. Je mets cette élévation du rythme cardiaque sur le compte du travail de mon estomac qui doit digérer une banane entière. Au lac Foréant, après une nouvelle "pause VV" (vidange vessie), je rejoins une concurrente, dossard 1099 sur le sac à dos (il s'agit de Delphine Buirette) et de son compagnon (Burger Vincent dossard 1098). C'est elle qui donne le tempo, elle monte clairement "en aisance", allure tout confort, ne pose au sol que les orteils, son compagnon suit. Je reste dans leur foulée, j'ai le sentiment d'avoir trouvé le bon wagon. Au Col Vieux nous basculons tous les trois en 5h03 pour 25,200 km. 5km/h de moyenne sur les 5 premières heures de course, à 2220 m d'altitude, c'est juste bien.

Dans la descente, dès les premières foulées, je suis distancé par mes deux lièvres. Pas grave, le ravitaillement du refuge Agnel est tout près.

Refuge Agnel: km 27, 5h17, je suis 192ème à l'entrée du ravito, et j'ai 43 minutes d'avance sur la première barrière horaire qui est assez sévère. Les suivantes sont plus faciles. 
Cette fois Véronique s'est postée à l'entrée de la zone de ravito, elle est déguisée en "bête à bon dieu" ... désormais je sais que sur les deux ravitos suivants, j'aurai droit à de nouvelles surprises. C'est sa manière de m'aider mentallement à trouver une motivation supplémentaire. Je disais dans l'article précédent que sans Véronique, ce genre de défi serait immensément difficile. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'elle rend facile un 100 bornes en montagne, mais elle me donne un grand sourire, et courir avec la banane, c'est une des bases de l'ultra. Endy Truffe est couchée dans l'herbe, lorsque j'arrive elle se lève pour une partie de léchouillage en règle de mes deux genoux. Véronique remplace mes flasques vides, je remplace aussi ma compote "pomme-chataîgne" et j'attaque mon plat de purée avec deux tranches de viande des Grisons. Il est presque midi, ça fait du bien de manger un peu de salé. Départ du refuge Agnel: 5h30. J'y suis resté 13 minutes, c'est bien. D'après les données de course fournies par Sportips, mes deux lièvres sont arrivés à Agnel 40 secondes avant moi, mais je ne les reverrai pas avant logntemps. 

Le mot de Véronique:

Au Col Agnel, il n'y a bien sûr plus de place pour se garer devant le refuge. Je roule donc sur quelques virages avant de me décider à me garer au bord de la route, comme d'autres l'ont fait un peu plus bas.

 

Ciel bleu et soleil, mais un vent frais. Je tiens tout de même à porter mon tee-shirt rouge...avec mon accoutrement de coccinelle. Je me demande si « ça fout la honte » à Cyril ou s'il trouve ça rigolo...

 

Je pose la question de la barrière horaire à une bénévole. Elle me répond que c'est midi, mais qu'ils sont souples et elle ajoute « on n'est pas à l'UTMB ici ! »

 

 

Je discute un peu avec un gars venu faire l'assistance de sa copine. Il me dit qu'elle court beaucoup plus/mieux que lui mais qu'elle mange peu et qu'hier, elle a décidé de manger en plus grande quantité que d'habitude. Il s'inquiète parce qu'elle n'arrive toujours pas alorsqu'elle était 3ème féminine à Ristolas. Changer ses habitudes la veille d'une course n'est pas ce qu'il y a de mieux à faire.

C'est parti pour l'ascension du point culminant de la course: le pic de Caramantran (3021 m) par le col de Chamoussière. Depuis le refuge Agnel c'est assez court, mais l'altiutude se fait sentir tout de même un peu: j'ai la classique barre sur le front, qui réveille les souvenirs de ski de rando au col de Thorens et de Gébroulaz. Je bois quelques gorgées et je sais que cette barre s'en ira rapidement dès que je repasserai sous 2800 m. Je grapille encore quelques places. Les derniers mètres avant le sommet imposent de poser les mains sur le rocher. Sommet, vue à 360°, côté italien c'est la "nebia" classique: grosse mer de nuages qui semble "connaître" la frontière. Il y a un peu de vent et je ne "stabule" pas comme on disait quand j'habitais à Moutiers. Le cardio a encore parfois flirté avec les 150 pulsations mais globalement il s'est bien maintenu entre 130 et 145.

Je plonge donc dans la descente, qui doit être très longue: 11 km jusqu'à St Véran. Mais l'itinéraire passe par le "sentier du canal": 7,5 km de plat, en plein soleil (le canal n'existe plus, ou il est à sec). Je pensais pouvoir beaucoup trottiner sur cette section. Ce ne sera pas le cas, je vais beaucoup marcher. Entre la Chapelle de Clausis et celle de Ste Élisabeth, je perds quelques places, pas beaucoup, mais ça ressemble à une inversion de tendance. Pendant la course, en tout cas à ce moment là, cela n'avait rien d'évident, mais par la suite j'ai compris que ces moments de marche me permettaient de récupérer, refaire les niveaux (miam et glou), et de repartir d'un bon pied ensuite. Et en effet, j'ai rattrapé presque tous les collègues qui m'avaient doublé, aux environs de la Cabane de Beauregard. "Pause VV" juste avant d'arriver à St Véran, par une descente assez pentue.

St Véran: km 42, 8h19 à l'entrée, je suis 207ème à la sortie du ravito en 8h37, j'ai 2h11 d'avance sur la barrière horaire, et Véronique est en "mode papillon".

Encore un bravo à ma chérie qui m'a trouvé un banc à l'ombre. Ravito P-A-R-F-A-I-T. Comme d'hab, changement de flasques, compotes, purée et viande des Grisons. Je recharge la batterie du téléphone portable et je repars en 8h37. Donc un arrêt de 18 minutes, il aurait fallu faire plus rapide mais sur un ultra, on n'est pas aux pièces. À noter: Delphine Buirette est sortie de St Véran en 143ème position, elle m'a mis une claque de 39 minutes. Explication possible: j'avais doublé son compagnon sur le sentier du canal, il semblait avoir explosé en vol, elle a donc sans doute cessé de l'attendre et elle a continué à son allure à elle ! En effet à St Véran, le dossard 1098 est pointé en 215ème position en 8h42.

Le mot de Véronique:

Cyril m'avait dit « tu redescends à Molines et tu tournes à gauche pour prendre la route de St Véran ». Dans le village de Molines, je vois un panneau « St Véran... route touristique » et je m'engage sur cette route, que dis-je, ce chemin goudronné...Par chance, je ne croiserai qu'une voiture, et seulement quelques mètres après un endroit où on peut croiser. Je m'apercevrai ensuite qu'une « grande route » située un peu après le village de Molines permet d'accéder à St Véran.

 

Il est interdit de circuler dans le village de St Véran, et le premier parking à l'entrée du village (en fait le P3) est fermé. Au lieu de continuer jusqu'au parking suivant (j'aurais dû, cela aurait été plus pratique et j'aurais compris qu'il y avait une grande route), je me gare un peu plus bas le long de la route. Me voilà partie pour traverser le village à pied (ça monte), en plein cagnard, avec mon sac à dos, la valise à roulettes du ravitaillment, et la chienne qui n'en fait qu'à sa tête : il a fallu la tracter tout le long du trajet. Un gars assis sur un muret a compati non pas avec moi mais avec Endy, « la pauvre chienne ».

Heureusement, j'ai trouvé un bon emplacement 20 mètres avant le ravito officiel : de l'ombre et un banc. Une autre assistante de coureur me dit que la barrière horaire du Col Agnel était la plus dure, de façon à écrémer, mais que maintenant ce sera « plus cool ».

 

J'encourage les coureurs qui passent devant moi.Une traileuse me regarde et me dis « mais, vous n'étiez pas en coccinelle au Col Agnel ?! » (j'ai troqué le haut rouge pour un haut bleu et le serre-tête de coccinelle pour un serre-tête avec des papillons).

 

 

Retour à la voiture : cette fois Endy marche bien, le soleil est caché et la température bien plus supportable que tout à l'heure. Le gars, toujours assis sur son muret, s'exclame « « mais vous ne faites pas une rando avec ça ?! » (en regardant mon gros sac à roulettes)

Départ de St Véran en descente sur du goudron, je trottine. Petit sentier, très court, et le fond de vallée est atteint, je traverse le pont du moulin sur l'Aigue Blanche, et là, premier coup de masse: on attaque l'ascension du col des Estronques: 4,1 km pour 810 m de D+, avec plusieurs passages entre 30 et 45 % de pente, c'est "bon raide". Deux franchissements de torrent seront l'occasion de tremper la casquette et de se raffraichir la tête. Je monte en 1h20 (soit un bon 600 m/h, cardio entre 130 et 144, ce qui est plutôt bien à ce stade de la course et au vu de la chaleur) et je grapille toujours quelques places. Et notamment, j'arrive au col juste après un gars en maillot rouge avec des tatouages maori sur un mollet. Je l'ai déjà vu, vers Caramantran je crois, il m'avait distancé dans la descente sur St Véran. Je m'asseois quelques minutes, le temps d'avaler un gel et je repars, un peu avant lui ... il me redoublera bientôt. Descente assez pentue jusqu'à Rabinoux (1907 m), puis à partir du Tioure on rattrappe une piste carrossable assez sablonneuse. J'aime bien. Je marche 300 ou 400 m puis pas de course jusqu'à Ceillac, sans doute une allure réelle pas très rapide, mais la sensation était bonne, et agréable (info Strava: kilomètres 54 et 55 à 6'54 et 6'15 au km). J'ai un gars en bleu "dans ma roue". Il ne relaie pas, mais je m'en fiche, pas grave, je suis à mon tempo, la foulée et la pose de pied sont encore relativement souples, c'est peut-être la portion la plus agréable de toute la course.

Ceillac: km 55, 11h20 de course à l'entrée du village, devant la boulangerie Richard où ils vendent des glaces parfum mélèze ! J'espérais secrètement y être en 10h30, mais 11h20 c'est bien, je suis plutôt content. Véronique porte fièrement des bois de renne en tissu ! Ceillac je connais, on y a passé plusieurs séjours, le premier en camping avec le fourgon. C'est chouette d'arriver dans un village qu'on connaît bien. Ceillac, c'est la mi-course. Je me sens plutôt pas si mal. Sur les trails précédents, à Verbier 2022 et Serre Chevalier 2020, au km 55, j'étais dans un "sale état". Là ce n'est pas le cas. J'ai bien géré mon allure et mon alimentation. Je suis content et plutôt optimiste pour la suite: je commence à penser que je vais peut-être bien réussir à aller au bout.

En attendant, je m'asseois près de Véronique: mon plat de purée + viande des Grisons, mes flasques, recharge du téléphone (qui travaille pas mal avec le suivi live sur Sportips et sur Openrunner, le GPS doit bouffer la batterie). Je vais me chercher aussi une assiette de spaghettis.

Je prends aussi 15 minutes pour m'allonger mais impossible de somnoler, du coup je demande à Véronique de me tenir les pieds en l'air quelques minutes.

Et puis vient le moment de recharger le sac. Véronique va rentrer à l'hôtel et je n'aurai donc pas d'assistance autre que les deux ravitos de l'organisation, pendant toute la deuxième moitié de course, qui va se dérouler en nocturne pour une bonne partie. Je prends deux compotes Baouw "patate douce - carotte - poivre" en plus de la compote d'Alain Roche "pomme - chataîgne" mais pas d'eau suuplémentaire: deux flasques de 60 cl suffiront. Je prends mes lunettes "de jour" mais j'oublie de prendre la batterie de rechange pour la lampe frontale. Et me voilà reparti.

Je passe la cellule de chronométrage à la sortie du village en 12h04 (arrêt de 45 minutes) et en 139ème position (entre St Véran et Ceillac je gagne donc 68 places), ... et juste devant Delphine Buirette (140ème, 12h06) qui part donc de Ceillac avec exactement 2'18 de retard sur moi ... elle va me rattraper et me déposer  dès les premiers mètres de la côte de la cascade de la Pisse, soit 2,4 km après la sortie de Ceillac (2,4 km presque plats comme après Ristolas). Lorsqu'elle me double, je reconnais sa queue de cheval, mais pas sa tenue: elle a TOUT changé, y compris chaussettes et chaussures, je me demande si elle n'a pas carrément eu le temps de prendre une douche et de dormir au moins 30 minutes ! 

Le mot de Véronique:

La fatigue commence à se faire sentir. Ça fait un moment que j'ai mal à la tête et je me décide à prendre un Doliprane. J'ai la chance de trouver un emplacement libre juste avant le ravito, là aussi à l'ombre, avec quelques marches pour s'asseoir, et avec un coin d'herbe. Je remarque des fanions roses partout : Cyril me dira que par endroit il y en a plein, alors qu'à d'autres endroits le balisage n'est pas bien fait.

 

Cette fois, je mets un tee-shirt doré, et je place un serre-tête bois de cerf sur ma tête.

 

Cyril restera un bon moment à Ceillac avant de repartir. Lorsque des coureurs nous verront (lui allongé dans l'herbe, une jambe en l'air posée sur ma cuisse), ils rigoleront et diront « ah super, il y a une kiné ! ».

 

 

Je me réjouissais à l'idée de déguster une glace au mélèze de la boulangerie de Ceillac (un souvenir de vacances ici il y a quelques années), mais Cyril parti, je n'ai pas le courage de marcher jusqu'à la boulangerie (je devais être vraiment fatiguée!).

La Cascade de la Pisse: c'est dur: 466 m D+ en 2,3 km, gravis en 51 minutes, soit du 548 m/h, ce qui reste correct. Passage le long du lac Miroir. Des gens qui bivouaquent et des enfants qui courent pieds nus. Courte descente pour rejoindre une piste de ski, raide et moins agréable que celle d'Abriès. Je continue de rattraper et doubler quelques collègues mais maintenant il y a beaucoup plus de distance entre chaque concurrent. Au collet de Ste Anne, je débouche une compote Baouw, et j'en prends une bonne giclette. Je n'avais jamais goûté ce parfum "patate douce - carotte - poivre" auparavant: ERREUR ! J'ai failli vomir. Dès la compote sur la langue, ça fait un choc et ça provoque un rejet. Bon, je les ai mangées quand même (pas le choix de toute façon). Ensuite Chapelle et Lac Ste Anne. 14h15 de course, il est 20h15, le soir tombe. Sur le faux plat qui conduit au pied de la grande pente du Col Girardin (2699 m), je repère une silhouette avec un maillot rouge, assis sur un rocher, c'est le collègue aux tatouages maori. Le gars qui marche 200 m devant moi s'arrête près de lui et le remotive, ils partent ensemble et franchiront le col quelques minutes avant que je n'y arrive, à 20h52. Vue depuis la chapelle, la pente qu'il faut gravir pour accéder à ce col est très impressionnante, c'est typique de la vue de face. En réalité, le sentier est très bon, pas très raide, juste ce qu'il faut. Au col, je suis pointé en 130ème position (13 minutes derrière Delphine Buirette 123ème). Ce col Girardin restera dans ma mémoire comme la plus belle vue avec la plus belle lumière, de tout le parcours. Petite pause pour changer de lunettes et je plonge dans la descente qui elle aussi est assez impressionante sur les premières centaines de mètres.

À la fourche du point coté 2368 m, il faut prendre la branche qui part en traversée vers la droite (vers l'ouest). Pendant cette descente sur le hameau de La Barge (juste sous le Maljasset) en Hte Ubaye, je me suis fait la réflexion que je trouvais ce chemin bien compliqué et que je détesterai devoir l'emprunter dans l'autre sens. On descend de 486 m en l'espace de 1,8 km, avec des passages à -40 %. Le sentier est une monotrace, en fait une grosse ornière remplie de cailloux de toutes tailles, avec une végétation luxuriante sur les bords. Je n'ai pas beaucoup aimé, mais en descente, on s'en sort toujours. Malgré tout il est certain que sur cette section, la moyenne horaire a pris une claque. Arrivé sur le goudron, je m'accorde une "pause VV" avant d'entrer dans le hameau de La Barge.

La Barge: km 70,5, 15h50 à l'entrée du hameau, 16h12 à la sortie, 22 minutes d'arrêt c'est correct.

Quelques coureurs sont allongés dans des lits de camps, enroulés dans des couvertures de survie. Sûrement des coureurs du grand tour de 160 km qui sont partis de Guillestre, 23 heures avant nous.

Deux bols de soupe, je remplis mes flasques (pas entièrement vidées) avec de la St Yorre, je troque la casquette contre le buff, j'enfile un maillot manche longue, je mets la frontale et je repars. Il est 22h12, j'ai 3h18 d'avance sur la barrière horaire.

Pendant ce temps, Véronique est à l'hôtel:

J'ai très sommeil...je ne prends même pas de dessert !!!

Se doucher, préparer le sac du ravito et le placer dans la voiture (pour le cas où j'irais au Refuge de Basse Rua dans la nuit) et dodo.

 

 

Je me réveille dans la nuit, je consulte les temps de passages prévus... et je décide que je n'irai pas à Basse Rua même si ça m'aurait fait plaisir de faire la surprise à Cyril.

À la sortie du hameau, il faut attraper un petit sentier sur la gauche, qui longe l'Ubaye pendant 1,8 km. Maintenant, c'est la nuit noire. Il s'agit d'être attentif pour ne pas rater les balises qui heureusement sont réfléchissantes et se voient de loin. Au lieu dit Les Houerts (point 1726 m sur IGN) débute l'ascension du col du même nom. Ce sentier qui grimpe au col des Houerts est le voisin de celui que nous avons emprunté à la descente, et dont je me disais que je n'aurais pas aimé l'escalader. Il serpente dans le même versant sud, il lui est presque parallèle, distant d'à peine 3 km. Autant dire que c'est son frère jumeau, mais en pire ! Très rocailleux, avec de gros rochers, des marches hautes. Dès les 15 premiers mètres je transpire à grosses gouttes et je dois m'arrêter pour retirer la deuxième couche à manches longues qui me protégeait du courant d'air le long de l'Ubaye. Ce sentier me rapelle affreusement le mur entre Lourtier et La Chaux sur le trail de Verbier. Les mensurations du premier mur des Houerts: 1,6 km pour grimper 490 m, c'est parfaitement cohérent avec son jumeau de La Barge. Je l'ai monté en 1h02 ce qui signifie que je passe sous la barre des 500 m/h ce qui est mauvais signe. Mais il faut tenir compte de l'arrêt pour enlever la deuxième couche, et du terrain particulièrement peu roulant. Mais sur le plan du mental, je sais que je suis sur le chemin de l'écurie: à partir de maintenant c'est "cap au nord" jusqu'à Guillestre, avec quelques variations mineures sans importances. Et concernant la distance j'entame le 4ème quart de la course, alors certes l'ours vend chèrement sa peau, mais je l'aurai, maintenant tout n'est qu'une question d'abnégation, de volonté, de patience. Bien sûr il faut continuer de s'alimenter et de s'hydrater très régulièrement.

Ce col des Houerts est une véritable torture pour le moral: en effet, c'est une succession sans fin de plateaux et de murs. À chaque fois qu'on gravit un mur, on pense que c'est le dernier. Mais c'est une erreur, il y en a encore un autre et encore un autre ... À un endroit je me souviens fort bien avoir vu, 30 ou 40 mètres devant moi, au sommet d'une pente, un poteau portant deux petites pancartes, exactement comme les poteaux qu'on trouve habituellement sur un col. Et je ne voyais plus briller aucune frontale au delà de ce panneau, preuve que derrière, ça basculait forcément sur l'autre versant. J'y ai cru, sur ces 40 mètres, j'ai marché avec un sourire béat, j'ai senti mes forces revenir, j'étais certain d'être arrivé au bout de ce col des Houerts. Hé bien non. Caramba, encore raté. Derrière ce panneau: encore un replat, avec toutes les frontales de tous les collègues qui me précédaient. Non seulement ce n'était pas fini, mais ça semblait encore bien long jusqu'au sommet.
Au total, pour parvenir à ce col des Houerts, il faut gravir 1145 D+ en l'espace de 5,150 km ... autant dire que le premier mur, si difficile, ne représente même pas la moitié de l'ascension de ce col. J'ai mis 2h46. Une allure de limace. Avec une "pause VV" + assis sur un rocher deux minutes pour avaler un gel. Au col: gros névé, avec une belle pente bien raide à main gauche. Mais c'est un col large, aucun danger. 

Donc Col des Houerts: 19h25 de course (il est 1h25 dimanche matin), je suis pointé en 120ème position, 38 minutes derrière Delphine Buirette, 103ème).

Encore une fois je ne stabule pas et je m'engage dans la descente du versant Nord, un peu délicate. Le début est assez raide et très minéral, nous sommes à 2871 m. La lumière de la frontale n'est pas du tout naturelle et ne permet pas vraiment de lire correctement la nature du sol et de deviner si ça va gripper ou glisser. Donc prudence. Un peu plus bas: de longs névés. Les coureurs passés en journée ont glissé et tracé de grands sillons dans la neige molle qui a déjà regelé, empêchant de planter les talons. Ça glisse. Ça m'embêterait de m'emplafonner dans un rocher. Je descends comme je peux, prudemment, délicatement. Enfin, je retrouve la terre ferme, et je continue de doubler des coureurs, mais impossible de savoir s'ils courent le 100 km ou le 160 km.

Tout comme la montée du versant ubayen, cette descente est interminable: 7,4 km pour descendre 1110 m. À la fin, sur la piste large, je trottine un petit peu, de temps en temps, mais pas trop.
J'arrive au refuge de Basse Rua en 21h14 de course, j'en repars en 21h30, donc à 3h30 dimanche matin selon les données de ma montre, ce qui me donne 3h d'avance sur la barrière horaire.

Selon les données de Sportips, je passe en 22h07 (soit 37 minutes + tard !), pointé en 112ème position. Et 43 minutes derrière Delphine Buirette (99ème).

Au ravito de Basse Rua, j'ai bavardé un peu, d'abord avec la fille de la patronne de l'hôtel d'Aiguilles qui était "bénévole + pompier" sur ce poste, puis avec mon camarade aux tatouages maori, qui était au bord de l'abandon, bien que n'étant pas blessé, simplement très tenté par la présence de son amie et donc d'une voiture susceptible de le sortir rapidement de ce jeu stupide et de le conduire fissa sous la douche et sous les draps. Je lui ai raconté comment Véronique m'a sauvé de l'abandon l'an dernier à Lourtier. Et je suis reparti, ayant entendu un des membres de l'organisation dire qu'il restait 900 D+ et 16 km.

Ne reste donc plus qu'une seule côte à avaler, avec un dénivelé inférieur à 1000 m. Et ce sera la fin de la balade.

Je ne le savais pas à ce moment de la course, mais maintenant j'ai bien compris la Règle n° 1 en trail: TOUJOURS se méfier de la dernière côte. TOUJOURS ! C'est toujours la plus difficile.
Strava n'indique qu'un passage à 30%. Mais Strava ne voit pas tout. Strava ne voit pas les passages câblés avec des échelles dignes d'une petite via ferrata (plus raides que celles de la Chorde). Après ce passage là, on se dit que le sommet ne doit plus être très loin. Que nenni. Après ça: sentier balcon, puis à nouveau de longs zig-zags sous le sommet du Pic d'Escreins. J'arrive à "la sortie" sur la ligne de crête peu après le lever du soleil. Ne reste plus qu'à descendre sur Guillestre. Voulant absolument éviter la déception de l'an dernier, je cherche mon téléphone pour appeler Véronique et lui dire qu'il ne me reste plus que deux petites heures de course. Mais je ne trouve plus mon téléphone. Je repars, tout en réfléchissant à ce qui a pu se produire. Je m'arrête à nouveau pour en avoir le cœur net, et je déballe la totalité de mon sac: RIEN. Maintenant c'est clair: soit mon téléphone est dans le grand sac de Véronique, soit ... je l'ai perdu quelque part. Mais ce qui est certain, c'est que je n'ai aucun moyen de prévenir Véronique. Un petit goût amer de malédiction commence à pointer son nez. Mais je croise les doigts.

Je reprends ma descente, d'abord prudemment car le sentier est semé de pierres, puis en mode "plein gaz" sur les 4 derniers kilomètres. "Plein gaz", c'est très relatif après 100 bornes: pour moi c'était entre 7'05 et 7'50 au km, ce qui doit faire du 8km/h de moyenne ... on est tous d'accord c'est complètement nul.

Mais à ce train là j'ai tout de même repris ... Laurence Pattein qui m'avait doublé et semé dans la dernière ascension. Elle était moins de 2' minutes derrière moi à Basse Rua, 11' au col des Houerts, 36' au col Girardin, 30' à Ceillac, 31' à St Véran, et 29' à Agnel. Elle a donc fini très fort à partir du col Girardin, là où la course devenait vraiment dure.

300 m avant l'arrivée, le chemin domine le terrain de basket qui sert de zone d'arrivée ... à moitié déserte. Je repère TRES facilement une personne coiffée d'un immense chapeau haut de forme bariolé, qui joue de la darbouka. OUF , soulagement, ma Véronique est bien là. Je fais de grands gestes et agite mes bâtons dans tous les sens, mais c'est trompeur car ça ne correspond pas à mon caractère et Véronique ne me reconnait pas ... le drame se profile tout de même ... mais non car Véronique finit par repérer mes chaussettes orange (je suis le seul coureur à porter des chaussettes aussi "distinctives"). Une fois franchie la ligne d'arrivée, je donne enfin libre cours à ma fantaisie, avec la figure qui fut ma signature: un petit 360°, ce qui aurait pu me coûter un genou, mais bon ce n'est pas tous les jours qu'on boucle 100 bornes en montagne quasiment d'une traite !  

 

Je termine donc en 25h47 (sur Sportips comme sur ma montre), 114ème. À 35' de Delphine Buirette (104ème).

 

Statistiques de la course: 254 partants, Arrivés: 154, 99 abandons, et 1 disqualifié.

 

Quant à mon téléphone, il n'était pas dans les sacs de Véronique. La trace Openrunner, suivie par mes proches, indique qu'il est parti de Ceillac par la route, avant d'être éteint. Je ne saurais dire comment les choses se sont passées. L'ai-je oublié sur place et Véronique serait partie sans le voir ? Serait-il tombé de mon sac par une poche laissée ouverte et se serait-il cassé en tombant sur le goudron ? Quelqu'un l'a-t-il "ramassé" à un moment ou un autre ?? Quoi qu'il en soit, c'est une petite ombre au tableau qui ne devrait pas gâcher la joie d'avoir réussi ce défi ... mais tout de même.

L'arrivée, vécue par Véronique:

L'arrivé de Cyril est annoncé pour 7H50, mais à 6H je suis déjà à Guillestre. J'ai prévu d'acheter des viennoiseries dans une boulangerie qui ouvre à 6H30 puis de me rendre sur l'aire d'arrivée. Il y a là un gars qui agite une grosse cloche à chaque fois qu'un traileur/une traileuse arrive, un petit groupe de spectateurs, et moi. Pour une fois, le speacker sait ce qu'est une darbouka ! Le gars vu à Ceillac me dit « vous avez bien fait de ne pas aller à Basse Rua,c'était vraiment une petite route ». Un traileur du grand tour (160 km) arrive en marchant ; les gens plaisentent (« en voilà un qui n'est pas pressé d'arriver »). Passé la ligne, il explique qu'il a une entorse.

 

De là où on est, on voit la crête et la dernière descente. Je vois un gars qui fait de grands signes et crie « eh oh »... bon, ce n'est pas Cyril qui est vêtu de bleu, et de toute façon Cyril n'oserait jamais faire ça »...

Je joue donc pour ce type qui descend... Mais c'est Cyriiiiil !!!!! Un peu avant qu'il rejoigne l'aire d'arrivée, je lâche la darbouka pour aller prendre des photos.

 

J'ai versé quelques larmes ! Je suis super fière de ce qu'il a fait.

Pour d'avantage de photos et vous plonger dans les paysages et l'ambiance de ce trail, je vous invite à aller visionner les diaporamas mis en ligne sur la page facebook du "GRGQ" (Grand Raid du Guillestrois Queyras).

 

Et voici l'enregistrement de ma course, telle qu'elle apparaît dans Strava. Attention: Strava décompte TOUTES les pauses: les arrêts aux ravitos, mais aussi les "pauses VV", les arrêts pour ôter un vêtement ou un cailloux dans une chaussure, avaler un gel ... ce qui donne un temps "de course pure" de 20h55.

Et bien voilà, donc ça c'est fait. J'étais curieux de savoir si je suis capable de courir un ultra de 100 bornes en montagne, et j'avais une furieuse envie de me lancer dans ce défi. Aujourd'hui ma curiosité est pleinement satisfaite et mon envie est totalement comblée, même si je n'éprouve plus cette sensation de flotter sur les nuages que j'avais eue au lendemain du trail du Petit St Bernard en 2019.
Il est certain que 2023 sera ma dernière saison de trail, car l'entraînement prend trop de temps et trop d'énergie, et j'ai maintenant très envie de retourner à la photo, animalière et "de montagne".

 

Malgré tout ce samedi matin 15/07, je suis allé faire un petit footing de 50 minutes: les sensations et les jambes sont exceptionnelles en côte (il me semble que c'est la 1ère fois de ma vie de traileur que je grimpe la totalité de la côte de La Motte sans marcher du tout, j'ai TOUT monté en trottinant). Par contre en descente, j'ai toujours cette raideur en haut de la face interne de la cuisse droite qui m'empêche de dérouler toute l'amplitude de ma foulée.
Si je réussis à éliminer ce problème (j'ai 3 semaines de vacances pour ça), il n'est pas impossible que je reprenne un dossard en fin de saison (début octobre), sur le Trail du Petit St Bernard, qui a été le tout premier trail que j'ai réussi, en 2019. Trail qui se déroule dans des paysages somptueux. Mais à ce jour rien n'est décidé.

En revanche, ce qui se dessine à l'instant même où j'écris ces lignes, ces sont les derniers kilomètres de la Hardrock 100, et Courtney Dauwalter, 3 semaines seulement après avoir explosé le record féminin de la Western States (- 1h18),  est en train de réaliser un petit exploit sur la Hardrock 100: à moins de 40 km de l'arrivée, elle est actuellement, 1ère féminine évidemment, mais surtout elle est 3ème AU SCRATCH, derrière Aurélien Dunand Pallaz et Beñat Marmissolle.

Il est maintenant 14h15, Aurélien et Beñat sont arrivés à Silverton (en moins de 24 heures). Courtney est attendue ... she'll be third OVERALL !

À suivre sur Youtube.

Dimanche matin: en fin de compte, Courtney Dauwalter est arrivée 4ème, à deux minutes seulement du 3ème Javier Dominguez.

De son côté, Kilian Jornet a gagné son ticket d'entré à l'UTMB 2023 en terminant 48ème de la "petite" course de L'Eiger Trail (16 km, 960 D+), article savoureux sur le Figaro Sport:

 

"L'Espagnol Kilian Jornet, superstar de l'utra trail, a participé sans forcer son talent au trail court de l'Eiger (16 km, 960 m de dénivelé positif) samedi en Suisse, afin de valider sa qualification pour l'Ultra-trail du Mont-Blanc (UTMB) début septembre à Chamonix.

Jornet a terminé seulement 48e de cette compétition sans autre athlète élite, multipliant les selfies avec les autres coureurs. Il devait simplement terminer la course, membre du circuit de l'UTMB World Series (dont il est N.1 mondial), afin de pouvoir s'inscrire à l'UTMB."

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Commentaires: 1
  • #1

    OJJ (vendredi, 21 juillet 2023 22:22)

    Ton récit est passionnant, un témoignage en live ! On se croirait dans la course ... Je note 3 choses : Un, l'importance primordiale de sa moitié, deux l'importance relative de la viande de grison, et trois, pour reprendre une réplique de " une époque formidable " : T'es un killer, Cyril, t'es un killer " !
    Superbe réussite �

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